Une autrice en panne face à la machine
Clarissa (Cécile de France), écrivaine reconnue mais stérile depuis six ans, intègre une résidence d’artistes ultramoderne censée stimuler l’inspiration. Son projet : écrire sur la mort de Virginia Woolf et, à travers elle, exorciser ses propres fantômes. Mais la résidence, truffée d’outils d’intelligence artificielle, ne se contente pas d’héberger les créateurs : elle les observe, les analyse et les façonne.
Très vite, Clarissa sent que son écriture ne lui appartient plus totalement. Ses émotions, ses douleurs et ses obsessions semblent récupérées par un système invisible qui nourrit son texte autant qu’il le parasite.
Quand l’intelligence artificielle devient muse et geôlier
Le dispositif mis en scène par Yann Gozlan évoque une société où la technologie ne soutient plus la création, mais la capte. L’IA dialogue avec l’héroïne, anticipe ses besoins, oriente son imaginaire. Ce qui pouvait passer pour une aide devient une dépossession : le roman de Clarissa naît de sa plume, mais son ADN créatif a été siphonné par la machine.
Le film prend alors les allures d’un thriller paranoïaque : Clarissa est-elle manipulée ou simplement victime de ses angoisses ? Le spectateur doute avec elle.
Une esthétique oppressante et futuriste
La mise en scène mêle intimité et froideur clinique : reflets, lumières artificielles, bande-son électronique saturée. Les appartements de la résidence deviennent des cages high-tech, où chaque souffle semble enregistré.
Cécile de France livre une performance tendue, vibrante, face à Lars Mikkelsen et Anna Mouglalis. La présence énigmatique de Mylène Farmer, magnétique et inquiétante, ajoute une dimension mystérieuse et presque surnaturelle.
Une fable sur l’art et l’humanité
Derrière le récit haletant, Dalloway pose une question fondamentale : qu’est-ce qu’une œuvre d’art si elle n’est plus pleinement humaine ? Le film interroge la valeur de la création, l’authenticité de l’émotion, la frontière entre inspiration et manipulation.
Clarissa parvient à accoucher d’un roman, mais à quel prix ? L’œuvre est achevée, et pourtant, elle ne semble plus lui appartenir.
Verdict
Note : 8/10
Dalloway est un thriller psychologique et technologique qui fascine par sa réflexion sur l’avenir de la création. Si Gozlan joue parfois trop avec les codes classiques de la paranoïa, l’ensemble séduit par son intensité et sa pertinence. Un film qui fait résonner une question obsédante : demain, l’art appartiendra-t-il encore aux humains ?
Pourquoi voir Dalloway ?
- Pour son approche originale de l’IA comme muse et geôlier.
- Pour l’interprétation habitée de Cécile de France.
- Pour l’atmosphère oppressante entre intimisme et anticipation.
- Parce qu’il questionne l’essence même de la création artistique.