Impossible d’oublier cette nuit où j’ai assisté à « Évanouis » : à 2h17 du matin, dans le paisible village de Maybrook en Pennsylvanie, dix-sept enfants prennent la route, quittant leur foyer pour ne plus jamais donner signe de vie. Le lendemain, seule Justine, l’institutrice à la réputation fragile, découvre Alex, mutique, dans la classe déserte. Toute la ville s’affole, l’accuse de sorcellerie, et la police, démunie, piétine dans ses enquêtes. Mais le cauchemar ne fait alors que commencer.
La force du film réside dans sa narration en boucle : chaque chapitre relance l’histoire du même point, mais du regard d’un nouveau personnage. Il y a Justine, rongée par la peur et l’alcool, qui gagne en humanité à mesure que son passé refait surface. Archer Graff, père désespéré incarné par Josh Brolin, remet tout en question et finit, lui aussi, dans la folie — victime de violences quasi surnaturelles orchestrées par Marcus, le directeur. James, un cambrioleur toxicomane, trouve au sous-sol le cortège des enfants disparus, alors que Gladys, la tante mystérieuse d’Alex, commence à marquer les âmes. Chacun, perdu dans ses souvenirs, entrevoit des visions de la femme aux pouvoirs occultes — Gladys — qui évolue, séance après séance, de la vieille tante maladive à une figure menaçante, avide de jeunesse et manipulatrice.
Tous les fils narratifs convergent : Gladys transforme les adultes en armes humaines grâce à des rituels impliquant des mèches de cheveux et un arbre en pot. Alex, prisonnier de la terreur, obéit à Gladys pour sauver ses parents, alimentés comme des automates. Quand Gladys exige les objets personnels des camarades d’Alex pour ses rituels macabres, il cède, espérant qu’elle finira par disparaître. La tension monte, la transe devient collective : Justine et Archer découvrent la cache des enfants et affrontent les adultes possédés. C’est lors de la confrontation finale, dans la chambre de Gladys, qu’Alex brise l’emprise, retournant les enfants contre la sorcière — qui ne survivra pas à cette nuit maudite.
Et lorsque la dernière boucle se referme, tout ce qui semblait dissipé laisse des traces profondes : des parents anéantis, des enfants à jamais changés, et la silhouette de Gladys, dans l’ombre… Ce film m’a poursuivi longtemps, jusque dans mes rêves, où la tante Gladys ne cessait de me traquer. « Évanouis », plus qu’un simple film d’horreur, est une histoire qui s’immisce, chapitre après chapitre, dans l’esprit — comme une vraie légende noire américaine.




